Orchard
Ce n'était qu'une question de temps avant que Stéphane Grégoire – directeur artistique du label – ne soit repris de cette envie qu'on lui connait désormais bien de provoquer des rencontres improbables entre des artistes qui lui tiennent à cœur. Cette nouvelle proposition répond au nom de Orchard et succède à This Immortal Coil et Numbers Not Names. Ces projets à part dans le catalogue, que l'on pourrait aussi bien qualifier de paris, ont un objectif simple : donner vie à une intuition.
Le challenge, cette fois, était de réunir quatre personnalités issues de milieux musicaux différents ne se connaissant ni humainement ni musicalement, n'ayant comme point commun que leur capacité à étendre le registre de leur instruments par la maîtrise des effets électroniques. Réunis pour la première fois dans un studio avec comme seule direction une liste de termes simples pour évoquer le paysage musical que je m'attendais à voir surgir en les réunissant.
Très vite les choses s'organisent et fin octobre 2016, les quatre musiciens en question - Aidan Baker (Nadja), Gaspar Claus (Pedro Soler, Angélique Ionatos...), Franck Laurino (Zëro) et Maxime Tisserand (Chapelier Fou) - se rencontrent pour la première fois. Un choix surprenant sur le papier, mais qui dans l'esprit de Stéphane Grégoire s'impose très vite :
J'ai eu la chance de pouvoir rentrer en contact avec Aidan Baker il y a deux ans lorsque je lançais la collection Mind Travels Series. J'écoutais beaucoup son travail et notamment le magnifique et hypnotique The Sea Swells A Bit que nous avons réédité depuis. Sa maîtrise du son et des effets qu'il génère avec sa guitare mais aussi le nombre incroyable de participations à des projets variés montre sa capacité d'ouverture et l'empreinte personnelle qu'il peut ajouter à chaque collaboration.
Je venais aussi de rencontrer Gaspar Claus et cela faisait longtemps que je voulais travailler avec lui, j'avais cette certitude d'avoir un musicien hors-norme, protéiforme, tentaculaire et spectaculaire, ce qui m'a été confirmé lorsque nous avons travaillé sur l'album d'Angélique Ionatos.
Se pose alors la question de la rupture de ton. Les approches d'Aidan et de Gaspar, finalement assez complémentaires, se devaient d'entrer en collision - puis en osmose - avec des forces d'une autre nature, moins abstraites mais exploitées de telles manières à dévoiler leurs intentions progressivement :
Le duo Aidan/Gaspar s'est vite imposé mais la formule ne me semblait pas suffisante ainsi, je commençais à avoir en tête une idée de l'espace et de l'ouverture musicale que je voulais entendre, un paysage donné et une manière de vivre cette musique comme je vis l'instant lorsque je me trouve dans mon verger, isolé entre bois et champs de vaches où chaque instant sous une apparente immobilité apporte une richesse constante de variations subtiles, excitant les sens et l'imaginaire. Le rythme me semblait nécessaire, car le silence dans la nature n'est pas et les rythmes sont multiples et constants.
J'ai donc demandé à Franck Laurino de venir. Au travers de Zëro et Bästard, Franck est une force tranquille comme seul un arbre sait l'être. Solidement présent, surprenant de variations mais un pilier indéfectible pour tout instrument s'envolant autour. C'était pour moi, le point le plus sensible, poser un batteur fort comme un bucheron au milieu "des bois".
Enfin, l'idée de demander à Maxime Tisserand est venue d'elle-même, comme un complément logique, la dernière pièce importante d'un puzzle que l'on visualise immédiatement dans les derniers choix possibles. La clarinette est un "lead" magnifiant la nature, sensible, léger mais forte comme le vent.
L'enregistrement se déroule dans les locaux de L'Autre Canal à Nancy. Les sessions sont intensives, créant un cadre de travail extrêmement particulier dans lequel les musiciens sont confinés. De ce climat nait spontanément une forte cohésion qui amène le groupe à produire une vraie rupture avec son environnement, s'affranchissant sans mal des murs hermétiques des studios pour imaginer une musique organique à l'image des photographies de Francis Meslet qui illustrent la pochette.
Au bout de 10 minutes d'improvisation je savais que le pari était réussi, j'avais les yeux fermés et j'entendais une musique libre et concertée, un dialogue qui coule de source, une combinaison d'éléments naturels comme la nature sait si bien ordonner. En trois jours à peine, prés de quatre heures de musique ont été enregistrées.
Les prises sont ensuite collectivement et soigneusement écoutées, découpées, arrangées et enfin mixées pour aboutir à un album en 5 actes divisés en 11 pistes.
Dés le début j'avais cette sécurité d'avoir à mes côtés le cinquième élément indispensable à la finalisation d'un tel projet; David Chalmin, talentueux ingénieur son et musicien, sans qui nous n'aurions pu orchestrer et ordonner les chapitres importants de cette histoire.
Le groupe a naturellement voulu s'appeler Orchard et j'ai pu ainsi nommer les titres retenus avec une totale évidence.
Il ne reste plus qu'à trouver un nom à l'ensemble. Ce sera Serendipity, qui confirme l'idée que réunir divers talents au sein d'une même pièce ne pouvait qu'aboutir – aux détriments des incertitudes – à la découverte d'une entité surprenante, hors-norme. Et si l'on devait la définir en quelques mots, ce serait les suivants :
Orchard est une invitation au voyage immobile, au ralentissement et à considérer le temps autrement, s'affranchir des étiquettes musicales comme a pu le faire Tortoise en son temps, un rock ambient qui aurait intégré toute la notion de liberté du jazz.
Toute l'actualité
Concerts19/10/2017 - Nancy, L'Autre Canal (NJP / 20 ans Ici, d'ailleurs...) - w/ Chapelier Fou, The Third Eye Foundation, Zëro + Virginie Despentes et Béatrice Dalle
20/10/2017 - Paris, MaMa Festival (20 ans Ici, d'ailleurs...) - w/ Chapelier Fou, Winter Family